Archive de la catégorie ‘Esclavage’

Il y a 20 ans, la chute du mur de Berlin et…Condorcet au Panthéon

Dimanche 8 novembre 2009

L’année 2009 sera donc l’année des anniversaires historiques : les 40 ans du premier pas sur la lune, les 20 ans de la chute du mur de Berlin et du jugement, en direct, des époux Ceaucescu…

Je ne reviendrai pas sur la commémoration de la chute du mur de Berlin, tant les Medias européens rivalisent d’ingéniosité sur le sujet. Notons simplement que 20 ans après l’effondrement du bloc soviétique, l’optimisme européen a été bien douché…Demandez aux Tchèques, aux Roumains et autres Yougoslaves ce qu’ils en pensent…

Les musées sont également des acteurs de cette commémoration consensuelle. Ainsi, à Lyon, le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation propose une exposition originale, intitulée Nous sommes le peuple.Vers la chute du mur de Berlin, qui décrit l’effervescence sociale et politique, qui a préexisté à l’effondrement de la RDA. Rapidement, l’on comprend que c’est la réunification qui est l’enjeu, car l’on passe du « Nous sommes le peuple » à Nous sommes un peuple »…La chute du Mur, pour les Allemands, signifiait plus que la fin d’une dictature, cela signifiait la reconstitution de l’Allemagne…Unité et Liberté.

Mais 1989 fut aussi le moment, en pleines fêtes du bicentenaire de la Révolution française, de l’hommage de la nation à Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794), philosophe, économiste, l’un des rares à n’avoir pas voté la mort de Louis XVI, au risque de sa propre vie.

Le 12 décembre 1989, dans un anonymat relatif, les cendres de l’abbé Grégoire et du mathématicien Gaspard Monge étaient transférées au Panthéon où une plaque commémorative était apposée en l’honneur de Condorcet. Pourquoi seulement une plaque? C’est que l’on ignore ce qu’il advint du corps du philosophe jeté dans une fosse commune du cimetière de Bourg-la-Reine. Condorcet avait fuit Paris et les Jacobins, qui voulaient l’arrêter pour avoir osé critiquer le projet de nouvelle Constitution. Arrêté à Clamart, il fut transféré à la prison de Bourg-la-Reine où on le retrouva mort dans sa cellule…

Condorcet était un libéral attaché à la défense de la Liberté. Mais en penseur pragmatique, il cherchait à concilier liberté et égalité.

On serait étonné de relire ce qu’il disait de l’abolition de l’esclavage en cette année 1781 où il faisait paraître, en Suisse, sous le nom du pasteur Joachim Schwartz, ses Réflexions sur l’esclavage des Nègres. Condorcet, s’il compare l’esclavage à un crime, attaque également le problème sous l’angle de l’économie et de la propriété. Pour lui, rendre esclave un homme est assimilable à un vol, le pire des vols. Il démontre également que sans esclaves, l’économie des colonies ne s’effonfrerait pas, seuls les colons seraient lésés.

Mais l’originalité est à chercher ailleurs. Pour Condorcet, l’abolition de l’esclavage doit être obtenue de manière graduelle. Il va même jusqu’à fixer un délai maximum de 70 ans. Condorcet ne cherche en rien à protéger le parti des colons. Simplement, il estime que les esclaves ont été trop longtemps tenus hors de toute vie sociale normale et qu’ils n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins. Les libérer sans assurer ces fondements risquerait de créer des troubles violents et de permettre au parti des colons de démontrer la dangerosité de l’abolition. Condorcet propose que les colons, une fois leurs esclaves libérés, soient obligés de subvenir un certain temps, à leurs besoins et que des établissements publics s’occupent des plus faibles des anciens esclaves, mais aux frais des colons…La Liberté bien sûr, mais en ayant garde de s’attaquer à ce qui peut miner ses fondements : la pauvreté et l’absence d’éducation…

Pour terminer ce bien modeste hommage, quelques lignes tirées des Réflexions sur l’esclavage des Nègres.

Condorcet, assurément un Libéral pour nôtre époque…