Archive de la catégorie ‘Arts’

Les voies subtiles du métissage musical européen

Jeudi 4 décembre 2008

Concierto criollo : c’est le titre d’un concert donné dernièrement, à Lyon, par l’ensemble du Concert de l’Hostel-Dieu, dirigé par Franck-Emmanuel Comte.

Sous couvert de musique baroque, nous avons eu droit à un étrange et intéressant concert. Etrange parce-qu’on y a vu des chanteurs jouer des percussions, faire l’acteur grimés en mulâtre…Intéressant parce qu’on a pu découvrir une forme de musique baroque religieuse peu connue. Il s’agit de pièces écrites essentiellement par des maîtres de chapelle jésuites, espagnols ou portugais. Leur objet : la nativité et toute la geste des rois mages. Jusque-là rien que de très classique. Mais plus surprenant, cette musique religieuse emprunte largement aux rythmes crées par les esclaves africains déportés dans les colonies espagnoles depuis la fin du XVè siècle : de multiples percussions, des tam-tam aux sonorités modernes…Imaginez la scène : un clavecin jouant avec un tam-tam, celui-ci bien plus audible que celui-là…

Pendant ce concert, des pièces moins sérieuses furent jouées, mélangeant pareillement la quintessence de la musique baroque avec des rythmes exotiques. Que l’on ne perde, cependant, pas de vue que l’objectif de ces maîtres jésuites était bel et bien l’évangélisation de populations pensées comme inférieures.

Alors que l’on parle de métissage et de mélange des cultures, on pourrait avancer que l’art, et la musique en particulier, sont par essence des domaines de transferts culturels intenses.

La vie m’a éclairci les livres…

Jeudi 13 novembre 2008

(…)La vie m’a éclairci les livres.

Mais ceux-ci mentent, et mêmes les plus sincères. Les moins habiles, faute de mots et de phrases où ils la pourraient enfermer, retiennent de la vie une image plate et pauvre (…). Les poètes nous transportent dans un monde plus vaste ou plus beau, plus ardent ou plus doux que celui qui nous est donné, différent par là-même, et en pratique presque inhabitable. Les philosophes font subir à la réalité, pour pouvoir l’étudier pure, à peu près les mêmes transformations que le feu ou le pilon font subir aux corps : rien d’un être ou d’un fait, tels que nous les avons connus, ne paraît subsister dans ces cristaux ou dans cette cendre. Les historiens nous proposent du passé des systèmes trop complets, des séries de causes et d’effets trop exacts et trop clairs pour avoir jamais été entièrement vrais ; ils réarrangent cette docile matière morte (…).

[...]Je m’accomoderais fort mal d’un monde sans livres, mais la réalité n’est pas là, parce qu’elle n’y tient pas tout entière.

 

Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

Repartir à zéro

Dimanche 2 novembre 2008

Deux expositions à 10 mois de distance et sur le même sujet.

Repartir à zéro, c’est d’abord le titre de cette magnifique exposition qui vient de débuter au musée des Beaux-Arts de Lyon.

Son propos est de montrer le foisonnement d’interrogations et d’expérimentations qui domine les années 1945-1949 dans la peinture occidentale. Bâtie autour de 7 thématiques (expérimenter, témoigner, balbutier, explorer, tracer, saturer, remplir-vider), l’on découvre la vitalité de l’art d’après-guerre.

J’ai un petit faible pour les travaux de Krause et Baumeister, qui, interdits d’exercer leur art par les nazis, se sont mis à expérimenter de nouvelles formes et de nouvelles façons de peindre en profitant de leur emploi dans une entreprise de peinture…

Autre moment fort : l’analyse, par les fractales, de l’oeuvre de Jason Pollock. Pollock qui voulait retrouver la nature et sa vie et qui finit par détruire une de ses oeuvres car trop dense…trop foisonnante, comme la nature.

L’autre exposition, c’est Photographier après la guerre-France/Allemagne 1945-1955, vue au Jeu de Paume à Paris. Où l’on voyait les Allemands enclins à l’expérimentation et les Français s’orienter définitivement vers la photographie humaniste. Chez les photographes français, l’urgence était au témoignage, au reportage et à montrer l’homme sous un angle humain.

Pourtant, j’ai trouvé que le moment le plus poignant était celui où le point de vue était renversé : un reportage sur le retour des prisonniers allemands des camps russes. Le photographe avait alors su capter l’émotion contenue des familles, une espèce de pudeur au regard de leur responsabilité collective. On pouvait déjà lire dans ces clichés le début d’une attitude collective faite de repentance.

De l’exposition photographique, il ne reste plus que des oeuvres dispersées et un catalogue. Quant à l’exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon, allez-y, tout simplement.

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